Matthieu LAURETTE

 
Matthieu LAURETTE, I AM AN ARTIST (Hôtel Costes, Paris, 25 September 1998), 1998, Pen on hotel stationary, 37,5 x 28,6 x 3,8 cm (framed).

 
Matthieu LAURETTE, I AM AN ARTIST (Concorde Kurfürstendamm, Berlin, 3 January 2008), 2008, Pen on hotel stationary, 37.5 x 28.6 x 3.8 cm (framed).

 
Matthieu LAURETTE, I AM AN ARTIST (Turin Palace, Turin, 14 October 2001), 2001, Pen on hotel stationary, 37,5 x 28,6 x 3,8 cm (framed).

 
Matthieu LAURETTE, I AM AN ARTIST (Schweizer Hof, Kassel, 28 July 2007), 2007, Pen on hotel stationary, 37,5 x 28,6 x 3,8 cm (framed).

SOURCE : GAUDEL DE STAMPA 


GLOBAL DEMIX : MATTHIEU LAURETTE 


 Matthieu LAURETTE, The Freebie King, 2001, figure en cire à taille réelle, chariot de supermarché rempli de produits remboursés. Pièce unique. 175cm x 177cm x 60cm. Collection particulière, New York.

Quoi pour qui, et comment ?

Extraits du texte de Jörg Heiser (catalogue Notre Histoire, Palais de Tokyo, Paris, 2006, pp. 134-141), écrivain et commissaire d’expositions, co-rédacteur en chef du magazine Frieze.

À une époque où l’art est devenu une industrie à grande échelle, la production artistique qui fraye avec la culture de masse suscite chez beaucoup une grimace de désapprobation — car l’imagination et la réflexion artistiques ne sont-elles pas l’un des derniers bastions susceptibles de nous protéger d’une culture commerciale médiocre, de nous protéger du spectacle ? L’ironie étant que c’est précisément ainsi que le spectacle, si toutefois l’on peut désigner par ce mot la culture commerciale en général, projette le rôle de l’artiste : dans une distance romantique vis-à-vis de toute intervention. De plus en plus, au cours de ces dix dernières années, les artistes contemporains insatisfaits par une telle position ont non seulement produit des représentations de la culture de masse, mais se sont immergés en elle, créant ainsi la possibilité de transformer un savoir (le savoir tiré de l’observation du fonctionnement du capitalisme) en quelque chose qui ne relève pas seulement du capitalisme. Le travail de Matthieu Laurette témoigne de cette idée essentielle.

Depuis 1993 — date à laquelle Laurette est apparu pour la première fois sur le plateau télévisé de Tournez Manège, et où, interrogé sur sa profession, il a répondu « artiste » —, il a continué à utiliser les médias comme un moyen artistique d’infiltration et de recirculation. Mais il ne s’agit pas seulement pour lui de mettre en scène des numéros médiatiques subversifs. Il éprouve, au contraire, la flexibilité de ce que l’art contemporain peut traiter en tant que pratique.

La circulation abstraite
« argent contre biens et biens contre argent », ou « argent contre argent », est nourrie par la perspective — évidemment — du profit. Matthieu Laurette a découvert une stratégie permettant, non seulement d’inverser le principe de valeur ajoutée, mais aussi de faire de ce renversement le thème d’un jeu télévisé convivial. Avec le budget de production de son projet à Consonni à Bilbao, Laurette a conçu un programme pour la télévision basque, El Gran Trueque (Le Grand Troc, 2000) : dans le cadre d’une vente aux enchères par téléphone, les téléspectateurs s’engagent à troquer un objet en échange d’une voiture offerte par Laurette — l’offre la plus haute est alors acceptée, et l’objet correspondant proposé la semaine suivante pour un nouvel échange, et ainsi de suite. Après quelques mois, la série de trocs s’achève sur la présentation d’un pack de six verres bleus. On commence ainsi avec une voiture d’un certain prix, et l’on finit avec un lot digne d’un vide-grenier.

La pièce de Laurette n'est pas sans évoquer Invitation Piece (1972-1973) : avec une simple insertion stucturelle — des cartons d'invitation qui renvoient de manière successive d'une galerie à l'autre, sans que rien d'autre ne soit exposé que le processus lui-même; le troc d'un objet contre un autre objet, dans l'intention manifeste de le
« perdre » et non de réaliser un bénéfice — la logique de circulation se trouve, dans les deux cas, faussée et inversée. Si Barry parodie la logique de valeur marchande propre à l'art en utilisant les modes de circulation typiques de l'art (cartons d'invitation), Laurette fait de même avec la logique générale de la valeur marchande vis-à-vis de produits de consommation (en utilisant les mass médias).

Autre exemple : Produits remboursés / Money-back Products (1993-2001) qui consistait à consommer et à se faire rembourser des denrées alimentaires sur lesquelles figurent des slogans tels que « satisfait ou remboursé », c’est-à-dire à se nourrir, littéralement, de ce procédé promotionnel qu’utilisent les sociétés pour faire connaître leur marque — et à nourrir l’intérêt des médias, qui baptisèrent Laurette « The Freebie King », le roi du gratuit.



Cette stratégie consistant à retourner contre elles-mêmes les lois économiques et politiques de circulation informe également le Citizenship Project (1997- en cours) de Laurette, dans le cadre duquel l’artiste enquête sur les conditions nécessaires à l’obtention légale d’un passeport dans divers pays à travers le monde, avant de mettre à disposition l’ensemble de ces informations sur un site web. Cette expérience est une manière d’éprouver les limites des fondements idéologiques des lois régissant l’accès à la citoyenneté. [page 28 in
www.laurette.net/products...].

Pour The Louisiana Repo-Purchase (2003-2004), diffusé par une chaîne de télévision locale, des passants de la Nouvelle-Orléans se voient demander s’ils sont au courant de l’éventuelle révocation du traité de 1803 légalisant la vente de la Louisiane aux États-Unis par la France — canular qui, en pleine guerre d’Irak, n’a pas manqué de susciter des déclarations patriotiques anti-françaises.

Dans la même veine, Apparition : The Today Show, NBC, 31 December 2004 (2004) aborde sous un autre angle la critique des mass médias : parmi les pancartes affichant des messages d'amour, brandies par les spectateurs de cette émission en plein air (mi-information, mi-divertissement) tournée au Rockfeller Plaza à New York, on aperçoit un panneau déclarant « GUY DEBORD IS SO COOL ! » Ce message inepte joue ironiquement sur le fait que les positions rituelles de mise à distance du spectacle en référence à La Société du spectacle (1967) de Debord — risquent toujours de devenir une partition vide et usée de cela même qu'elles veulent critiquer.
[page 46 in
www.laurette.net/products...]

Comme dans Déjà Vu (2000-),
[page 43-35 in www.laurette.net/products...], ses rencontres de sosies de célébrités organisées à l’occasion de vernissages, Laurette n’est jamais dans la position d’un manipulateur qui tirerait les ficelles : il se mêle à ses sujets et se situe à leur niveau, comme pour se rappeler la question essentielle : quoi pour qui, et comment ?

SOURCE : EDNM/CIREN
 



Matthieu LAURETTE, Real Estate, 10 nov. - 16 déc. 2007, carte d'invitation.

 Matthieu LAURETTE, Demands & supplies, 2012, carton de vernissage.

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