« La fiction n’est pas la création d’un monde imaginaire opposé au monde réel. Elle est le travail qui opère des dissensus, qui change les modes de présentation sensible et les formes d’énonciation en changeant les cadres, les échelles ou les rythmes, en construisant des rapports nouveaux entre l’apparence et la réalité, le singulier et le commun, le visible et sa signification1. »
Jacques Rancière
Jacques Rancière
« Faire œuvre d’historien ne signifie pas savoir « comment les choses se sont réellement passées ». Cela signifie s’emparer d’un souvenir, tel qu’il surgit à l’instant du danger2 . »
Walter Benjamin
Walter Benjamin
« Initié en 1999 et basé à Beyrouth, le projet de l’Atlas Group est dédié à la recherche et à la compilation de documents sur l’histoire contemporaine libanaise. L’Atlas Group produit, localise, conserve et étudie des documents visuels, sonores, textuels et autres, qui mettent en lumière l’histoire actuelle du Liban.
Les documents de l’Atlas Group sont conservés au sein de l’Atlas Group Archive, à Beyrouth (Liban) et à New York (Etats-Unis). Ils sont organisés en trois catégories : type A (pour Authored) quand l’auteur est identifié, type FD (pour Found Documents) qui désigne les documents trouvés, type AGP (pour Atlas Group Productions) qui rassemble les productions de l’Atlas Group3. »
Les documents de l’Atlas Group sont conservés au sein de l’Atlas Group Archive, à Beyrouth (Liban) et à New York (Etats-Unis). Ils sont organisés en trois catégories : type A (pour Authored) quand l’auteur est identifié, type FD (pour Found Documents) qui désigne les documents trouvés, type AGP (pour Atlas Group Productions) qui rassemble les productions de l’Atlas Group3. »
Ceci est une des multiples versions de l’auto-présentation du projet « Atlas Group » de l’artiste libanais Walid Raad. On en trouve d’autres, légèrement différentes, sur son site Internet (www.theatlasgroup.org), dans le cadre de ses présentations4 et expositions, dans les catalogues et le matériel multimédia qui les accompagnent. Ce petit texte informatif y figure noir sur blanc sans accompagnement visuel : de manière sobre et nette, la notice apparaît comme un « simple » renseignement sur le projet. Mais qu’apprend-on au juste en la lisant?
Entre œuvre artistique et centre d’archives
Avant tout, il est question de l’histoire fondatrice du projet : en marquant un point de départ, une date et un lieu spécifiques, une certaine authenticité lui est conférée. Cependant il existe plusieurs versions de ce texte et ces données peuvent varier selon la situation dans laquelle elles apparaissent :
« A des lieux et des temps différents, raconte Walid Raad dans une interview, j’ai appelé l’Atlas Group une fondation imaginaire, une fondation que j’ai créée en 1976 et une fondation créée en 1976 par Maha Traboulsi. Au Liban en 1999, j’ai déclaré « L’Atlas Group est une fondation à but non lucratif créée à Beyrouth en 1967. » A New York en 2000 et à Beyrouth en 2002, j’ai déclaré « L’Atlas Group est une fondation imaginaire que j’ai créée en 1999 ». Je dis des choses différentes dans des lieux différents par rapport à des considérations personnelles, historiques, culturelles et politiques, au vu de la localisation géographique et de ma relation personnelle et professionnelle avec le public et de leurs connaissances des histoires politiques, économiques et culturelles du Liban, des guerres du Liban, du Moyen Orient et de l’art contemporain5. »
L’artiste ne fait pas un secret du fait que la fondation est inventée, imaginaire et que ses traits sont modulables. L’histoire du projet est, jusqu’à un certain point, adaptée au public ; c’est par rapport à lui que l’artiste détermine son statut et son apparence. Ceci rappelle le fameux geste de l’artiste Marcel Duchamp qui plaça un urinoir signé par R. Mutt (Fountain, 1917) dans une galerie et le désigna comme ready-made. Ce faisant, il signifiait la position du spectateur en tant qu’élément constitutif de l’œuvre d’art : « Ce sont les REGARDEURS qui font les tableaux6 », écrit-il. Il mettait aussi en question une multitude d’évidences apparentes par rapport au contexte artistique, à la notion d’auteur et à celle d’œuvre, etc.
Face à l’Atlas Group, on se trouve devant un dispositif qui produit des vertiges un peu similaires à ceux provoqués par l’œuvre de Duchamp. Comme ce dernier, Walid Raad n’apparaît pas dans l’œuvre sous son propre nom. A la place de l’auteur-créateur figure un « group ». Tel Michel Foucault qui, dans un entretien7, préféra apparaître masqué, demeurer impossible à localiser, Walid Raad se cache derrière un collectif anonyme. Ce dernier renvoie ainsi non seulement à un travail en commun, à une structure quasi-institutionnelle, mais aussi à une activité tout autre qu’artistique, pour rendre floues les frontières entre création et perception, entre récit et fiction, histoire et art. La part de la fiction et la part du documentaire sont ici mélangées et elles deviennent indiscernables. Tandis que certaines données renvoient à un réel – la situation historique/les guerres au Liban, les lieux géographiques, certains faits historiques évoqués –, d’autres sont complètement inventées ou tellement décalées par rapport à ce qui semble être important qu’elles apparaissent absurdes. Il y a ainsi une sorte de dédoublement du projet et les frontières entre les différentes couches sont vagues : à côté du récit de la fondation nommée « Atlas Group », présentée comme un établissement historique, avec des tâches précises et une histoire qui apparaît à chaque reprise comme authentiquement sérieuse, il y a aussi le projet artistique, l’œuvre d’un seul artiste qui invente une fondation dont les données sont variables, les « documents » fabriqués et prise en charge par un group.
Deux temps différents et des contextes hétérogènes se rencontrent et s’entrecroisent. Et le spectateur se trouve lui aussi pris dans cette confusion, en ce que sa position à lui est également double. On n’est pas dans la même situation devant une œuvre d’art et dans une institution « officielle » : tandis que dans un lieu d’exposition d’art, on devient spectateur – sitôt entré, on est préparé à cette situation souvent silencieuse, à une réception sensible et intelligible d’œuvres artistiques qui occupent l’espace –, la visite d’une institution telle qu’un centre d’archives demande, elle, à celui qui vient d’avoir une idée de ce qu’il cherche, de savoir consulter des documents, de savoir utiliser cet espace normé et classé selon des critères propres. Tandis que dans un lieu d’art, il y a des œuvres s’inscrivant dans un contexte artistique, dont le statut dépend de l’artiste, du lieu, de l’œuvre même, de la critique etc., on trouve ici des documents officiels, scientifiquement reconnus et classés par une institution de recherches historiques. Or, Walid Raad se réfère dans son projet à ces deux situations à la fois. Dans cette situation où aucune position simple ne peut convenir une fois pour toutes au regardeur, les différentes conditions reflètent des choses disjointes l’une de l’autre, en appelant le spectateur à trouver lui-même une position critique et mobile.
Quelle archive ?
Car si, en première lecture, l’introduction au projet citée ci-dessus semble simplement informer son lecteur, comme le ferait un cartel, elle affirme en fait des choses contradictoires au vu des concepts qu’elle emploie et de ses contextes. Ainsi, le projet se présente dans un premier temps comme un centre d’archives8, donc comme une institution chargée de la collecte, de la conservation et du classement de documents historiques, ici relatifs à l’histoire contemporaine du Liban. Mais le lecteur apprend aussitôt que ce centre d’archives « produit, localise, conserve et étudie des documents visuels, sonores, textuels et autres9. ». Il s’agit alors de procédures et de tâches toutes différentes de celles que l’historien s'attend à trouver. En effet, dans ces archives, il n’y a pas même de distinction entre des documents « authentiques » – c’est-à-dire des traces venant d’un passé qui ont été placées dans la collection afin de les réactualiser dans un présent – et des documents inventés, complètement fictionnels, créés par l’artiste uniquement pour les mettre dans l’archive.
Comment s’approcher de cette organisation étrange ? On se retrouve au sein d’une problématisation des conceptions même d’archive, de document, d’authenticité et de fictionnalité. Chez Walid Raad, ces questions sont posées à travers son travail. Quand on lui demande si ces documents-là, telles des pièces à conviction, étaient vrais, authentiques ou ce qu’il veut dire par leur falsification, il répond tout simplement que ces événements-là auraient très bien pu avoir lieu :
« Il est aussi important pour nous de noter que la vérité des documents que nous cherchons ne dépend pas uniquement de leur exactitude factuelle. Nous sommes confrontés à des faits, mais nous ne considérons pas des faits comme des objets évidents qui seraient déjà présents dans le monde. Une des questions que nous nous posons est : comment nous approchons-nous des faits non pas dans leur factualité brute, mais à travers des médiations toujours compliquées par lesquelles ils acquièrent leur immédiateté10 ? »
L’histoire visée par Walid Raad est une construction. Ses recherches décalent la perspective, en remettant en cause la distinction entre fiction et non-fiction.
« Nous partons de la considération que cette distinction est en soi fausse – à bien des points de vue, notamment parce que beaucoup d’éléments qui constituent nos documents imaginaires sont originaires du monde historique – et ne rend pas justice aux récits riches et complexes qui circulent largement et qui captent notre attention et notre conviction11. »
Le temps et les représentations des mémoires possibles de ce passé, de ces vécus traumatiques, apparaissent ainsi comme des composantes potentielles d’une histoire encore à écrire.
« Comme pour Marsyas, on connaît le châtiment cruel qui fût fatalement réservé à Atlas pour avoir osé, en fin de compte, défier ce qu’on pourrait nommer « l’ordre des choses » : il ne fut pas écorché vif, mais condamné à porter le monde sur ses épaules, ou plus exactement à soutenir éternellement la voûte céleste afin de la maintenir séparée de la terre. Rentré de force dans les rangs, obligé de collaborer à l’ordre du monde en devenant le pilier de notre cosmologie, Atlas est devenu l’image même du refoulement de ces forces chaotiques qui s’opposeraient sinon à l’harmonie idéale du monde. C’est donc sous la contrainte et par ironie qu’il en est arrivé à incarner cette cartographie claire et précise que nous connaissons aujourd’hui et qui porte désormais son nom. C’est dire que tout cartographe demeure foncièrement hanté par des pulsions et des désirs contraires à sa tâche12. » (Denis Gielen, 2007)
La persuasion avec laquelle Walid Raad donne des réponses à ces questions renforce encore la confusion dans laquelle le spectateur est pris. Elle fait écho à celle que rencontre Foucault dans « une certaine encyclopédie chinoise » de Borges13 :
« Ce qui est impossible, écrit-il, ce n’est pas le voisinage des choses, mais le site lui-même où elles pourraient voisiner14. »
Comme Borges qui rassemble dans une classification des éléments qui ne sont pas pensables comme des catégories distinctes et qui remet ainsi en question l’acte même de classer ou d’ordonner, Walid Raad invente une institution d’archives qui s’adapte à son public et qui héberge des documents, les produit lui-même et les travaille par rapport à sa logique propre. Ce qui devient ainsi problématique, c’est l’opération « historiographique ». Celle-ci se trouve bouleversée, ses éléments comme l’organisation des documents sont mis à nu et perdent leur sens communément admis. Ce qui devient visible grâce à ce geste de l’artiste est le « mode d’être de l’ordre »15, l’épistème de la manière occidentale d’écrire de l’histoire.
De quoi s’agit-il au juste ? De quelle histoire et de quelle écriture de l’histoire est-il question ici ? Qu’est-ce qu’un centre d’archives qui change son lieu et son caractère (fictionnel, à but non-lucratif, etc.) selon le contexte dans lequel il est présenté ? Et comment approcher des documents qui sont parfois des objets trouvés et parfois des documents produits? Quelles connaissances sont visées par ces déplacements des concepts et des lieux ?
« Il n’y a pas d’archive sans trace, a dit Jacques Derrida pendant une conférence à l’Institut National de l’Audiovisuel, mais toute trace n’est pas une archive dans la mesure où l’archive suppose non seulement une trace, mais que la trace soit appropriée, contrôlée, organisée, politiquement sous contrôle. Il n’y a pas d’archive sans un pouvoir de capitalisation ou de monopole, de quasi-monopole, de rassemblement de traces statuaires reconnues comme traces. Autrement dit, il n’y a pas d’archive sans pouvoir politique16. »
Quelle histoire ?
Dans le cas des archives de l’Atlas Group, ce pouvoir politique vient du geste même de l’instauration de l’archive. En déclarant que cette institution existe, a lieu, fait circuler des images et d’autres documents, organise et travaille des traces, l’Atlas Group s’approprie une certaine autorité de saisir une histoire, ne serait-ce que de manière imaginaire. Il y a du politique dans ce geste de donner lieu à une telle archive17. Et le public se retrouve en-dehors d’une organisation particulière qui suit une logique propre, suppose un ordre et une structure donnant accès à une certaine connaissance. Car en sous-entendant qu’un tel lieu existe, on indique en même temps que cette histoire, celle du Liban contemporain, de ses guerres, peut être approchée, imaginée, par une institution officielle et classée dans un centre d’archives. Or cette histoire-là, celle qui est la référence bien réelle de Walid Raad, est loin d’être abordée. Plus précisément l’histoire du Liban n’a jusque-là pas été écrite de manière officielle. Il semble que justement ce lieu politique, le lieu auquel est accordé une certaine stabilité qui permet de formuler une histoire reconnue par les Libanais, ne peut exister en ce moment. Beaucoup de choses restent dans une obscurité totale.
« [L]’histoire du Liban se déroule constamment à plusieurs niveaux : histoire des communautés, histoires des familles, histoire de l’entité et de ses mutations. La complexité en est donc très subtile ; la simplification ou la généralisation impossibles. Aucune synthèse de cette histoire complexe, établie et acceptée par l’opinion commune n’est d’ailleurs parvenue à prédominer18. »
Bien qu’il existe des analyses singulières, focalisant surtout des thématiques spécifiques, ainsi qu’une multitude d’histoires à caractère régional ou confessionnel, et beaucoup de récits populaires, l’historiographie se caractérise avant tout par son hétérogénéité irréductible. Ahmad Beydoun, un sociologue-historien qui travaille sur l’époque contemporaine, attire, dans plusieurs textes, l’attention non sur l’histoire comme domaine de connaissances ou pratique de recherche, mais sur les historiens qui l’écrivent et leurs perspectives et conceptions différentes19. Les bases théoriques et les manières de faire sont tellement hétérogènes et inconciliables que beaucoup de sujets – avant tout, ceux qui sont relatifs à l’époque des guerres civiles – restent dans l’ombre.
« Hormis deux usages – devenus pratiques courants – que le pouvoir fait de la guerre, celui de la guerre épouvantail (exemple : « la liberté de l’information dans les années 1970 a conduit où vous savez ; il faut donc se montrer très stricts aujourd’hui en matière de contrôle de l’information ») et celui de la guerre-alibi (exemple : « il est normal que nous n’ayons toujours pas de chiffres fiables, n’oubliez pas que nous sortons de 15 ans de guerre »), hormis ces deux discours, la guerre reste impensée dans une quelconque tentative d’historiographie officielle20. »
Saisir les années des diverses guerres civiles dans leur complexité – c’est-à-dire en considérant non seulement les oppositions de communautés religieuses, mais aussi les dimensions internationales des conflits au Moyen-Orient qui se sont déroulés sur le terrain du Liban – devient d’autant plus compliqué à l’égard de la Loi d’Amnistie générale21. Celle-ci s’applique aux crimes perpétrés par toutes les milices et tous les groupes armés pendant la guerre civile. Elle va de pair avec une certaine amnésie, un essai de refoulement ou d’oubli des « événements », comme sont souvent appelées les années de guerre au Liban.
« L’amnistie générale « pour les crimes commis avant le 28 mars 1991 selon des conditions spécifiques (n° 84 du 26 août 1991) ne peut rien effacer ni apporter une réponse au besoin de la vérité des victimes. Plus qu’une « forme institutionnelle d’oubli » (Ricœur, 2000 : 585) et une « caricature du pardon » (ibid. : 634), l’amnistie a, au Liban, permis d’amnistier des chefs de guerre qui, pour la plupart, se sont retrouvés avec des postes ministériels (Picard 1994). Le temps auquel on attribue des vertus d’apaisement ne peut rien effacer non plus. Le temps qui passe, « sans mémoire, amnésique », que l’on invoque auprès des victimes pour qu’elles « oublient » leur souffrance ne fait que consolider des ressentiments22. »
Latences et images de rêve
Or, celles-là ont laissé des traces très variées. Dans l’architecture : on voit beaucoup de couches de pierres différentes à Beyrouth et dans le reste du pays où des décombres venant d’anciens empires se trouvent à côté de chantiers de reconstructions d’après-guerre, de ruines qui sont encore trouées par des balles et des bombes23. Mais aussi dans le quotidien ou dans la manière dont se déroule la vie sociale, économique et politique. Joana Hadjithomas et Khalil Joreige24 parlent au sujet de ces mémoires réminiscentes de latence.
« La latence nous pointe comme des possibilités en gestation, des traces, des réminiscences qui deviennent fantomatiques et hantent les photographies, les films, les vrais ou faux documents. Être là, aujourd’hui, c’est accepter de vivre avec ses fantômes, les rechercher, les nourrir. Être hanté, c’est refuser l’état mécanique, la machine, c’est refuser de sombrer dans le cynisme, dans l’acceptation des images et des réalités, dans un présent continu. Traditionnellement, la latence se définit comme l’état de ce qui existe de manière non apparente mais qui peut à tout moment se manifester, c’est le temps écoulé entre le stimulus et la réponse correspondante. L’image latente, c’est l’image invisible d’une surface impressionnée qui n’est pas encore développée... S’ajoute également l’idée de „dormant“, de l’endormissement, comme quelque chose qui sommeille et qui pourrait peut-être se réveiller.
Pour nous, la latence, c’est être là même si tu ne me vois pas, c’est la nécessité au-delà de l’évidence. C’est la réminiscence d’une image, d’un savoir qui nous habite mais qu’il est difficile de saisir25. »
Pour nous, la latence, c’est être là même si tu ne me vois pas, c’est la nécessité au-delà de l’évidence. C’est la réminiscence d’une image, d’un savoir qui nous habite mais qu’il est difficile de saisir25. »
Il est ici question d’une connaissance hors des faits mais qui révèle une autre dimension de l’histoire qui n’est pas encore pensable, d’une réalité et d’une mémoire qui se manifestent à travers des images sur-réalistes26, telles les images de rêve censées rendre accessibles des données latentes.
« Le contenu du rêve consiste le plus souvent en situations visualisables, les pensées du rêve doivent donc tout d’abord recevoir une accommodation qui les rende utilisables pour ce mode de figuration », écrit Freud27. « Les pensées du rêve que l’analyse nous fait connaître s’offrent à nous comme un complexe psychique d’une construction aussi embrouillée qu’il est possible. Ses éléments entretiennent entre eux des relations logiques les plus diverses ; ils sont faits de premier plan et d’arrière-plan, de conditions, de digressions, d’explications, de démonstrations et d’objections28. »
La question est de savoir comment s’approcher d’une telle construction qui est une sorte de langage et une imagerie qui se rapportent à une connaissance non encore devenue manifeste. A travers des « documents » tels que ceux proposés par Walid Raad et leurs légendes complexes, s’immisce un savoir autre, un savoir qui ressemble plus aux potentialités d’une archive non-encore explorée qu’à celui déjà acquis par des historiens. Le dissensus non seulement sur ce qui s’est passé et comment, sur ce qui reste à travers des traces et ce qui hante, mais aussi sur comment il devient possible d’en parler et de le voir, le rendre visible, est au sein du projet de Walid Raad.
Le Docteur Fakhouri
« Quel bonheur d’être avant le commencement !29 »
Unica Zürn
Unica Zürn
Qu’est-ce qu’on voit donc ? Le dossier qui m’intéresse ici est celui du Docteur Fakhouri. Il est introduit ainsi :
« Jusqu’à sa mort en 1993, le docteur Fakhouri était le plus renommé des historiens au Liban. A sa mort, à la surprise générale, l’historien légua des centaines de documents à l’Atlas Group pour conservation et diffusion30. »
Ce donateur n’est donc pas n’importe qui, mais une personnalité dans le domaine de l’histoire. Une autorité qui non seulement contribue activement à la recherche historique mais qui fait de plus partie de la communauté de ceux qui décident de ce qui entre ou non dans le champ de la connaissance : les historiens. Les documents collectionnés dans ce fonds semblent donc avoir une certaine valeur : ils ne sont pas uniquement des traces laissées au hasard avant d’être inclues dans le présent dossier mais il s’agit de matériel produit par un historien. Ces documents semblent donc déjà dédiés à la recherche et déjà accrédités par un historien professionnel. « Ces documents comprennent 226 carnets de notes, 24 photographies et 2 films31. ». Les indications sont très précises. Or, le spectateur voit toujours la même sélection, sur le site web, dans les expositions ou dans les catalogues : les volumes 38 « Already been in a Lake of Fire », 57 « No, Illness is Neither Here nor There » et 72 « Missing Lebanese Wars », une série de 24 photographie intitulée « Civilizationally, We Do Not Dig Holes To Bury Ourselves » et deux films « Miraculous Beginnings » et « No, Illness is Neither Here Nor There ». Les autres carnets n’apparaissent jamais.
Ces titres donnent une impression décalée. Qu’un historien choisisse des titres pour ses matériaux qui ne soient pas de simples indications, pour une indexation ou des désignations, paraît étrange. Mais de plus, ces titres sont tellement poétiques, imagés et chargés de sens et d’affect qu’on ne voit plus très bien le lien avec une quelconque démarche documentaire. Alors que Walid Raad, l’artiste qui invente tout ce scénario, se cache derrière un « group » anonyme, le célèbre historien apparaît comme auteur en donnant des titres un peu extravagants à ses notes de recherche. Il semblerait qu’ils aient échangé leur rôle : l’artiste se consacre uniquement à la recherche alors que l’historien invente des intitulés créatifs qui distraient du contenu et le détournent de sa pratique de chercheur.
Or, il ne faut pas oublier qu’il s’agit de matériel de travail et non de publications ; le statut de ces « documents » n’est pas très clair. D’un côté, ils ne sont peut-être pas faits pour être regardés ni lus par un public puisque ce sont des notes personnelles ; d'un autre côté, c’est le Docteur Fakhouri lui-même qui a décidé de les donner à l’Atlas Group. Comment savoir ? Encore une fois, le spectateur est appelé à trouver lui-même sa position, en questionnant ce qu’il voit et ce qu’il lit. Ce qui entre dans ces considérations ne sont pas uniquement les données du scénario, mais aussi des savoirs et des suppositions qui relèvent de l’épistème, du « socle de connaissances » même, donc de ce qu’on attend de voir et d'apprendre, de ce qui est pensable et de la manière dont on appréhende des éléments « en général ».
Mais nous n’avons toujours pas regardé l’œuvre. Qu’est-ce qu’on voit, après avoir reçu toutes ces informations et indications ? Il semble que toutes ces légendes agissent comme un rideau devant les images. Avant même de regarder, de circuler avec le regard dans les données visuelles qui composent l’œuvre de Walid Raad, le spectateur se trouve déjà dans une position décalée. Or, l’Atlas Group n’est évidemment pas uniquement un projet conceptuel ; son apparence sensible, ce qui est donné à voir et comment, est loin d’être la simple illustration d’une pensée.
Le cahier 72 intitulée Missing Lebanese Wars
Fig. 1. Reproduction de la couverture du cahier 72 du dossier Fakhouri de l’Atlas Group; les flèches indiquant ce qui y est écrit en traduction anglaise ne font pas partie de l’œuvre; elles ont été ajoutées sur le site web par l’artiste pour une meilleure compréhension32
Ci-dessus le carnet numéro 72, « Missing Lebanese Wars ». Il s’agit ici de la couverture d’un bloc-note de couleur orange. Le titre est écrit à la main tout en bas à gauche de la page, avec des lettres minuscules, presque illisibles. A droite, un peu plus haut, mais toujours en bas de la page, on distingue d’autres signes. Mais ceux-là sont en arabes et signifient « Volume Number 72 ». Difficile de ne pas soupçonner un quelconque sens derrière ces chiffres et surtout derrière la manière dont ils sont inscrits sur le papier. Le fait de voir deux écritures différentes – l’une latine, l’autre arabe – nous confronte déjà à une dualité de régimes culturels de sens. De plus, ces deux écritures incitent deux mouvements de regard contraires, en ce que l’anglais se lit de gauche à droite, l’arabe de droite à gauche. Y a-t-il un code à déchiffrer, des indices à comprendre ou bien des notes de lecture cachés dans l’image ? Sur la deuxième page (le verso de la première page ?), cette intrigue reste présente.
Fig. 2. Reproduction du recto la couverture du cahier 72 du dossier Fakhouri de l’Atlas Group; les flèches indiquant ce qui est écrit en traduction anglaise ne font pas partie de l’œuvre; elles ont été ajoutées sur le site Internet par l’artiste pour une meilleure compréhension33
A gauche, sur le même fond orange, le texte s’inscrit d’abord de bas en haut, puis tourne et continue en haut, de droite à gauche. Ceci ressemble à un cadre non-clos ou bien à une image abstraite ; en tout cas plutôt à un élément décoratif qu’à un texte introductif.
En regardant de plus près, en lisant le texte, les histoires continuent avec la présentation du carnet de notes lui-même :
« On ignore généralement que les grands historiens des guerres libanaises étaient des joueurs compulsifs. Ils se retrouvaient tous les dimanches au champ de course ; Maronites et Islamistes pariaient sur les sept premières courses ; Nationalistes maronites et Socialistes pendant les huit autres. Course après course, les historiens se tenaient derrière le photographe officiel dont la tâche était de fixer sur la pellicule le moment où le cheval gagnant franchirait la ligne d’arrivée. On dit que les historiens avaient convenu (certains disent soudoyé) le photographe de ne pas prendre qu’une seule photographie du cheval gagnant à l’arrivée. Chaque historien pariait sur le moment précis – combien de fractions de secondes avant ou après le franchissement du cheval de la ligne d’arrivée – où le photographe prendrait son cliché34. »
Les historiens et leur jeu
Le spectateur se trouve devant tout un microcosme, un espace autre, loin des images stéréotypées de la guerre. Le seul indice renvoyant aux conflits est l’indication que les personnes dont il est question ici sont « grands historiens des guerres libanaises ». Or, leurs activités n’ont pas de lien avec cela, comme si les dimanche ils étaient occupés par autre chose, comme s’ils profiteraient de leur temps libre. Comme si le dimanche, la guerre était aussi en congé. Le scénario évoque très vite des images de rêves, aussi parce que la clarté et l’évidence du récit lui donnent un air assez convaincant35. Cette légende nous place dans un espace anecdotique, presque fabuleux : il est question de la sphère du « on » chère à Michel Foucault et ce « on » parle (« on dit »)36. Il ne s’agit pas d’éléments écrits, de faits historiques rappelés mais d’histoires orales, de rumeurs ou de savoirs populaires qu’on se raconte et qui ne sont pas vérifiables. Cependant, « on ignore généralement que les historiens des guerres libanaises étaient des joueurs compulsifs » : cette désignation-là des historiens dans leur vie privée (ou publique ? ou bien professionnelle ?) n’est habituellement pas vue, pas prise en compte par le « on ». Le spectateur, lui aussi, est concerné par cette remarque et fait ainsi partie de ce « on », car lui non plus n’était probablement pas au courant.
« On » reste donc flou. Il n’est pas précisé de qui il est question. De même pour les historiens cités, qui sont tout simplement présentés en tant que groupe de « grands historiens des guerres libanaises » (« ils »), puis subordonnés à des communautés religieuses et/ou politiques (pourtant, ces identifications par ces communautés correspondent aux « camps » adversaires impliqués dans les guerres). Aucun nom n’est attribué. Ce manque de clarté renvoie en dehors de la démarche historienne, qui est censé produire des connaissances plus exactes, basées sur des sources accessibles.
Depuis quand s’intéresse-t-on aux loisirs des historiens ? Que cela veut-il dire qu’ils soient des « joueurs compulsifs » ? Comment comprendre cette dualité d’intérêt entre d’un côté les guerres libanaises (ou est-ce uniquement l’époque dans laquelle ils vivent ?) et de l’autre les courses de chevaux ? Y a-t-il une parenté, un voisinage entre les deux ?
On peut s’en approcher par la notion de « gagner ». Or, qu’y a-t-il à gagner, dans les deux cas ? Peut-on gagner une guerre civile, comment savoir, et quand ceci se décide-t-il ? Ici, ceux qui jouent ne sont pas des militaires ou des politiciens mais des historiens. Ils se sont apparemment mis d’accord sur les règles de ce jeu. Savoir quel cheval ou quel jockey gagne ne les intéresse pas. Au lieu de suivre la course, ils se mettent derrière le « photographe officiel » en attendant le déclic, annonçant la photographie témoignant du franchissement de la ligne d’arrivée. C’est la chasse à l’image qui les intéresse. A quoi renvoie ce déplacement ? Quel intérêt ont les historiens à gagner ce jeu ? Cherchent-ils à produire la version considérée comme la plus juste d’une histoire spécifique ? Si oui, comment cela se traduit-il sur un plan politique, social et économique ?
La notion d’attente est également présente. Comme dans la guerre, qui reste la plupart du temps latente – le temps d’attente et de peur entre les batailles et les bombes devient l’état quotidien des personnes qui vivent dans une région en guerre – les joueurs attendent la plupart du temps les résultats. Attendre devient ainsi une « activité » (ou passivité) qui devient habitude. Ici, les historiens- joueurs doivent attendre encore plus longtemps, vu que le résultat de leur pari ne va se révéler que le lendemain dans le journal, après le développement de la photographie et sa publication. Ce laps de temps apparaît absurdement long pour un jeu, si on considère la rapidité et l’action sur place, au champ de courses. Le jeu des historiens est complètement décalé par rapport à ce qui se passe sur place. La scène elle-même ne semble pas les intéresser du tout : seul le produit de l’appareil photographique qui dépend de la maîtrise du photographe a une valeur. La photographie saisit le degré de ratage de ce dernier – car jamais il n’arrive à capter le moment précis du franchissement de la ligne d’arrivée. Et ceci est le point de départ des historiens : ils parient justement sur ce manque de précision, ces fractions de seconde de décalage. Cependant, l’image publiée dans le journal permet d’être exact et à partir de ce matériel fixé sur papier, le Docteur Fakhouri peut faire ses calculs.
Fig. 3. Reproduction de la page 145 du cahier 72 du dossier Fakhouri de l’Atlas Group; les flèches et les indications de ce qui y est écrit en traduction anglaise ne font pas partie de l’œuvre; elles ont été ajoutées sur le site web par l’artiste pour une meilleure compréhension37
Le cahier est composé de pages vertes qui ressemblent à celles d’un bloc de vocabulaire en ce qu’elles sont constituées de lignes horizontales avec une ligne verticale au milieu de couleur rouge38. Chaque page contient les mêmes éléments, dont les reproductions de ces photographies découpées d’un quotidien, montrant le fameux cheval gagnant. Et ce sont ces photographies, publiées dans le journal, qui font savoir – enfin – aux historiens lequel d'entre eux a gagné. En plus de ces images, le spectateur est confronté à des calculs, des tableaux et des notes errantes dispersées sur le papier. Il s’agit de chiffres et de commentaires en anglais et en arabe. Encore une fois on ne sait pas dans quel sens il faut lire les notes. Cette confusion langagière reflète cependant une situation réelle au Liban : on y parle l’arabe, l’anglais et le français. Ces trois langues et ces trois cultures – cultures politiques et manières de penser différentes – ont accompagné, commenté et souvent nourri les conflits dans le pays.
Une note de lecture s’ajoute au regard du spectateur en donnant des explications sur ce que l’on voit:
« Chacune des planches suivantes inclut une photographie découpée dans le numéro du journal Al-Nahar paru le lendemain de la course, les annotations du Docteur Fakhouri sur la distance et la durée de la course concernée, le temps du cheval vainqueur, le calcul de sa vitesse moyenne pendant l’épreuve, les initiales des historiens et leurs mises respectives, le laps de temps indiqué par le gagnant du pari. Sur chaque page figure également un bref paragraphe en anglais. La veuve du Docteur Fakhouri, Zainab Fakhouri, les a attribués à l’habitude qu’avait son mari d’inclure dans ses carnets de brefs commentaires sur l’historien gagnant39. »
Fig. 4. Reproduction de la page 136 du cahier 72 du dossier Fakhouri de l’Atlas Group; les flèches et les indications de ce qui y est écrit en traduction anglaise ne font pas partie de l’œuvre; elles ont été ajoutées sur le site web par l’artiste pour une meilleure compréhension40
Difficile de suivre les opérations du Docteur Fakhouri. Ses calculs semblent être bien compliqués. La mise en page se présente ainsi de manière confuse, hasardeuse, dynamique ; elle ne semble pas faite pour être montrée. On a plutôt l’impression d’être confronté à des croquis rapidement réalisés, faisant apparaître une manière de faire41 des recherches dont le but ou le thème, supposé avoir une importance pour l’historiographie (vu que son auteur est le plus important des historiens de son temps), reste flou. Le spectateur reste incertain devant ce qu’il voit. Entre fiction et fait historique, entre images et information, entre l’archive, la trace et son organisation, son regard circule parmi la lecture des textes et des pages imprimées. Pourtant cela semble être bien sérieux. Le docteur Fakhouri paraît parfaitement conscient de ce qu’il fait.
Les photographies publiées dans le quotidien Al-Nahar
Mais revenons aux images découpées. Il s’agit bien de photographies qui parurent dans le cadre d’un dispositif médiatique particulier : celui d’un journal arabe, Al-Nahar. Dans ce même journal, figurent probablement aussi des nouvelles de la guerre et de la situation politique du pays, mais ces informations ne sont pas recopiées dans le cahier du Docteur Fakhouri. L’absence de renseignements d’autant plus urgents dans le contexte de la guerre est frappante : le manque devient dérangeant. Or, cette focalisation induit un autre problème : celui de la sélection et de la médiatisation d’événements. Comme cité plus haut, Walid Raad déclare à plusieurs reprises de ne pas s’intéresser aux faits « bruts » car ceux-ci ne sont accessibles que sous forme médiatisée, abordée ou formulée.
Dans un autre cahier, le volume 38, le Docteur Fakhouri expose sa collection de photographies d’automobiles « qui sont des répliques exactes (même marque, même modèle et couleur) de chacun des véhicules utilisés comme voiture piégée pendant les guerres du Liban42 ». Il se réfère au constat que dans leurs rapports, les journalistes et reporters libanais (réels) attiraient souvent l’attention sur les marques et modèles précis des voitures piégées en les décrivant minutieusement. Cette pratique qui apparaît complètement décalée était pourtant intimement liée au vécu et à la perception commune des libanais.
On est visiblement loin d’un simple rapport des faits. L’enjeu est très complexe : ce qui se révèle ici sont les manières de faire, les différentes pratiques journalistiques qui s’inscrivent dans une réalité politique particulière, intimement liées à une certaine actualité qui est elle-même compliquée et hétérogène. La médiation d’une certaine réalité est donc une partie constitutive de cette réalité.
Revenons aux cahiers et changeons une fois de plus d’angle de vue. Les photographies découpées apparaissent, comme on l'a déjà mentionné, comme un outil de travail, dans le sens où le Docteur Fakhouri commence ses calculs complexes à partir de ces images. Leur utilité réside dans le fait qu’elles saisissent – avec leur précision technique – un moment précis, qui est lié à un événement et sa capture. Car en vérité, il s’agit de deux instants : celui du franchissement de la ligne d’arrivée, qui est la base du calcul, et celui montré sur la photographie – elle « témoigne », pour ainsi dire, du geste du photographe, mieux : du moment exact où il a appuyé sur le bouton. Ce qui figure sur la photographie n’est que l’indice de l’événement (le « déclic ») qui compte pour le jeu des historiens. La référence pour ce jeu, le moment exact de l’arrivée, apparaît dans ce contexte comme la base des calculs et comme une utopie jamais saisie. Que montre cette image? A quoi fait-elle appel ? Elle renvoie certainement à la photographie de guerre, ou plus précisément aux médiations de la guerre à travers des photographies. Comment capter le moment important d’une guerre ? Dans une guerre si complexe, quels instants peuvent être considérés comme décisifs, selon l'expression de Henri Cartier-Bresson43 ? Cette question reste ouverte, tout comme celle de savoir qui pourrait prendre la photographie qui saisit cet instant et dans quel contexte celle-ci pourrait s’insérer.
En décalant la perspective, Walid Raad problématise aussi la nature de l’image photographique même. Car, bien qu’elle soit toujours une trace matérielle, un « ça a été »44 comme dit Roland Barthes, de quelque chose (le produit du dispositif mis en place entre un appareil, un photographe, un référent de l’image ainsi que d’autres composants comme la lumière, la pellicule, etc.), ceci n’indique encore en rien comment il faudra la considérer. « L’indice n’affirme rien, écrit Charles S. Pierce, il dit seulement : là45. ». Il ne s’agit que d’un fragment en deux dimensions d’une réalité choisie. Et s’ajoutent encore d’autres problèmes : celui de la censure et de la retouche mais aussi celui de la légende qui l’accompagne.
De plus, une image reproduite dans un quotidien est liée d’une manière particulière à une certaine actualité. Elle s’inscrit ainsi non seulement dans un temps historique spécifique – cette date-là – mais aussi dans la ligne éditoriale du journal. Dans ce contexte, elle est déjà appropriée, légendée et utilisée d’une façon particulière qui constitue une autre dimension du document.
Les notes et commentaires du Docteur Fakhouri
Dans le cahier 72, quelques pages sont datées (la plus ancienne du 7 juillet 1978, la plus récente du 5 Octobre 1992) d’autres non (« date unknown »). A quoi ces dates renvoient-elles? Y avait-il ces jours-là un événement « important » ? En tout cas, au 5 Octobre 1992, les guerres étaient officiellement terminées. Et pour les pages non-datées, il est même impossible de retrouver la course, le nom du cheval gagnant et les circonstances du jeu. Car les commentaires en anglais de Walid Raad qu’on trouve sur chaque page ne concernent nullement les chevaux ou les jockeys, mais l’historien gagnant. Et celui-ci n’a pas non plus de nom mais est représenté uniquement par ces initiales. Il s’agit toujours des mêmes initiales, donc des mêmes historiens. Or, les commentaires sont complètement arbitraires. Quand on regarde de près, on se rend vite compte que ce sont des phrases très chargées et très poétiques, mais très loin du contexte et ainsi très similaires aux titres. Walid Raad dit46 que ces descriptions viennent tantôt de lui-même, tantôt de livres ou journaux, tantôt encore de matériaux autres et qu’elles étaient originairement américaines, libanaises, arabes, ou françaises. Il n’y a apparemment aucun lien avec le contenu du projet. Or, ces phrases donnent beaucoup à penser et elles détournent encore une fois d’une lecture simpliste47. Et puis elles ajoutent encore une autre temporalité : une temporalité rétrospective, constituée par un regard ultérieur, plus distant sur les actualités désormais passées de la course et du journal. Comme le carnet qui accorde une temporalité à la pratique (professionnel ou personnel ?) de l’historien, ces commentaires font partie de l’analyse.
Ce n’est peut-être pas par hasard que les photographies des chevaux de course ressemblent tellement à celles de Muybridge48. Ce dernier les utilisait pour étudier les différents composantes du mouvement de la course. Comme pour le Docteur Fakhouri qui n’aurait jamais pu savoir le résultat du jeu sans avoir accès à la photographie imprimée dans le journal, l’image techniquement produite était pour Muybridge un auxiliaire permettant de saisir des moments singuliers que l’œil nu n’arrive pas à percevoir. Cette connaissance est devenue accessible par le biais de l’appareil photographique. « Car la nature qui parle à l’appareil, écrit Walter Benjamin dans sa Petite histoire de la photographie, est autre que celle qui parle à l’œil – autre, avant tout, en ce qu’un espace consciemment travaillé par l’homme se substitue un espace élaboré de manière inconsciente49. ». L’appareil rend visible quelque chose de différent que ce que l’œil humain voit : à travers l’objectif devient saisissable une réalité autre, une image encore à voir.
En dépliant le cahier « Missing lebanese wars », on est confronté à plusieurs temporalités hétérogènes qui cœxistent dans les images employées par l’œuvres : un temps passé, un temps historique, la captation d’un moment précis par un appareil, le temps du regard, le temps de l’analyse et du commentaire du Docteur Fakhouri, et puis aussi un temps postérieur aux cahiers : celui de la mise en archive (de l’inscription dans une institution historique), de sa classification par la veuve du Docteur et par l’Atlas Group, et enfin le temps que le spectateur reste devant l’œuvre.
Comment construire une histoire à travers toutes ces temporalités différentes ? Comment les lier ou les opposer ? Quelle est l’histoire saisie par Walid Raad, à travers son personnage, le Docteur Fakhouri et son archive imaginaire ? Comment l’histoire est-elle travaillée et dépliée à travers son œuvre ?
Symptômes hystériques
« Le symptôme représente le retour de la vérité dans les failles du savoir. »
Jacques Lacan
Jacques Lacan
Walid Raad lui-même rappelle à plusieurs reprises qu’il :
« considère ces documents comme des symptômes hystériques qui présentent des événements imaginaires construits à partir de matériel innocent et quotidien. Comme des symptômes hystériques, les événements décrits dans ces documents ne sont pas attachés à des mémoires actuelles d’événements, mais à des fantaisies culturelles érigées à la base des mémoires (Georg Lukacs). Les documents ne documentent pas tellement « ce qui s’est passé », mais ce qui peut être imaginé, ce qui peut être dit, pris pour acquis, ce qui peut apparaître comme rationnel ou pas, comme pensable et dicible sur les guerres récentes au Liban50. »
Comment approcher la figure de « symptôme hystérique » dans un tel contexte historique et politique? D’abord en admettant qu’il ne s’agit dans l’œuvre de Walid Raad pas d’une invention complètement hors de son contexte mais d’un déplacement de l’attention basé sur l’imaginaire qui accompagne la disposition et qui cœxiste donc au traumatisme. Le problème n’est pas de savoir comment exprimer la catastrophe et le traumatisme, de les extraire et de les aborder séparément, mais de saisir une situation complexe qui comprend aussi bien des événements violents que quotidiens, des images, des fantasmes, des considérations autres et des pensées contradictoires. Beaucoup d’éléments se trouvent embrouillés. Comme le patient hystérique qui vit des crises, des délires ou des compulsions physiques qui ne semblent au premier regard rien avoir en commun avec le traumatisme ou la situation qui l’a déclenché, les carnets du Docteur Fakhouri, ainsi que l’invention même du personnage, ont un rapport complexe avec le contexte des guerres et la manière dont celles-ci sont abordées. C’est même dans ce décalage entre les images et les rapports bien connus associés habituellement à ces conflits (qui ont été longuement commentés et illustrés par les médias nationaux et internationaux) et la prétendue innocence et quotidienneté des images et récits produits par Walid Raad et présenté dans le cadre de l’archive de l’Atlas Group, qu’apparaît l’hétérogénéité de couches qui remet en question une approche simpliste ou trop évidente de l’écriture de l’histoire.
Ainsi, il semble complètement absurde de déplacer la scène dans un hippodrome. Or, celui de Beyrouth se trouve sur le terrain du parc de la Résidence des Pins, lieu où fut déclarée l’indépendance du Grand Liban en 1943 et qui appartient à l’Etat de France depuis 197251. Il y a donc une charge conflictuelle qui renvoie aux temps historiques de l’occupation. Pendant la période des guerres, ce terrain a été un lieu stratégique, avec des connotations très diverses. ll reste très difficile d’accéder à ce genre d’information. Bien que plusieurs ouvrages d’historiens se réfèrent au champ de course de Beyrouth comme champ de bataille52 ce qui nous intéresse plus est la manière dont ces mémoires et les rumeurs qui leurs sont associées, ont pénétrés les récits populaires. On prendra ici l’exemple d’un guide touristique, le Petit Futé Liban :
« En 1975, ce rendez-vous sportif et social devient rapidement un No-mans-land bombardé par les miliciens de tout bord. Situé en plein cœur de Beyrouth, il servira, dans les périodes d’accalmie, de point de rencontre aux personnalités politiques libanaises n’osant pas se rendre – par crainte d’enlèvement – dans l’une ou l’autre région de la capitale. Ainsi, plusieurs conseils de ministres se tiendront dans les locaux de l’hippodrome, à proximité des écuries53. »
Puis les récits reprennent le relais :
« En 1982, l’armée israélienne encercle Beyrouth. Des chevaux abandonnés sont enfermés dans leurs boxes. Nombre d’entre eux seront atteints par les obus. D’autres périront de faim et de soif, sans que quiconque n’ose s’approcher de cette zone de combat. On raconte que pour sauver les survivants, le président de la république de l’Époque, Elias Sarkis, persuada l’émissaire américain Philip Habib, en visite officielle dans le pays, de négocier un cessez-le-feu. Ce qui fut fait. Ce serait le premier cessez-le-feu de cette tranche de la guerre israélo-libanaise54. »
En période de guerre civile, aucun lieu n’est vraiment dehors.
« Le symptôme, écrit Georges Didi-Huberman dans son livre sur Aby Warburg, joue donc avec l’antithèse: il crée des « situations incompréhensibles » parce qu’il sait conférer une intensité plastique – c’est-à-dire une évidence phénoménale donné tout d’un bloc à l’observateur, comme une sculpture – aux jeux les plus complexes de la « simultanéité contradictoire55. »
Le symptôme n’est pas simplement l’indice de la présence d’une maladie à soigner. Il est une manifestation complexe qui se joue sur plusieurs niveaux corporels, temporels et sensibles, avec son apparence propre qui ne se laisse pas réduire à l’état maladif. Ce ne sont pas uniquement son apparence et son inscription qui importent mais aussi la manière dont il est saisi et décrit, abordé, classifié et traité.
Dans le projet de Walid Raad qui se présente de manière si ferme, si affirmative, ces éléments sont mis en question par la focalisation d’un fait divers. Il montre par ce détournement que les choses ne sont pas si claires qu’elles le semblent et que le lieu depuis lequel nous percevons les choses n’est pas toujours stable. Que nous ne sommes même pas toujours tellement dehors, en ce que le projet de l’Atlas Group renvoie au spectateur (à celui qui aborde une histoire) que c’est à lui de trouver sa position. Or, il donne aussi lieu à une autre manière de penser et de voir, qui ressemble à la « méthode » et aux problématiques révélées par Aby Warburg.
Atlas
Ce n’est peut-être pas pour rien que celui-ci a nommé son projet le plus connu « Atlas Mnémosyne »56. Comme l’atlas de Walid Raad, celui de Aby Warburg questionne « l’ordre des choses » en montrant des images et en mettant en place une sorte de « cartographie ». Comme Walid Raad et d’autres artistes libanais, il s’intéresse au sous-sol de connaissabilité et aux objets latents (au Nachleben) qui deviennent visibles à travers des images, plus précisément à travers leur montage particulier et une focalisation d’angles insolites. Le regard capable de les saisir est un regard qui cherche, un regard mobile, critique, en quête d’une autre intelligibilité encore inexplorée dans ces données sensibles. Pour accéder à ce que ces images sont capables de faire connaître, de « raconter » contre les discours prédominants, il est nécessaire de trouver des distances permettant de circuler autrement parmi les données visuelles et textuelles.
« Warburg avait compris qu’il devait renoncer à fixer les images comme un philosophe doit savoir renoncer à fixer ses opinions. La pensée est affaire de plasticité, de mobilité, de métamorphose57. »
Cette dynamique du regard et de la pensée permet justement de repenser, en renversant des certitudes apparentes, tout un système de pensée historique et critique. Ce ne sont pas les images, les documents, qui sont remis en question, mais le contexte dans lequel ils apparaissent, le prétendu cadre fixe qui les héberge, c’est-à-dire, dans le « cas » de Walid Raad, l’archive en tant que fondation historique, le statut de l’historien et de ses matériaux et la possibilité d’une saisie de l’histoire du Liban et de ses médiations.
Dialectiques de l’image
« Il ne faut pas dire que le passé éclaire le présent ou que le présent éclaire le passé, écrit Walter Benjamin dans son Livre des passages. Une image, au contraire, et ce en quoi l’Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation. En d’autres termes, l’image est la dialectique de l’arrêt58. »
On peut s’emparer de l’œuvre de Walid Raad en la considérant comme une image dialectique, comme une constellation chargée d’éléments hétérogènes qui fait voir et donne à penser une dialectique inhérente sans synthèse possible. Son geste consistant à inventer tout un scénario avec une logique et une apparence propre décale le point de vue et déplace la position du spectateur, en ouvrant de nouvelles perspectives pour éclaircir certains enjeux politiques et médiatiques, non seulement dans le contexte du Liban, mais dans une perspective plus générale de l’écriture de l’histoire. Cette histoire l’intéresse avant tout dans son inscription latente dans le présent. Avec le projet de l’Atlas Group, Walid Raad pose la question des conditions de possibilité d’une histoire, en focalisant les différentes couches du quotidien pendant la guerre, en incitant les mémoires collectives et en travaillant à partir et à travers des images très différentes.
Le contexte de l’art contemporain est un espace autre que l’historiographie ou la scène politique. Ce déplacement ainsi que l’acte d’apparaître tout de même comme fondation consacrée à la recherche historique permet un accès à des données sensibles ainsi qu’un détournement de la réflexion sur l’opération historiographique elle-même, depuis un lieu extérieur (celui de l’art contemporain).
Comment saisir une histoire qui est composée d’éléments si hétéroclites, comment approcher des mémoires présentes de manière latente mais n’arrivant pas à devenir manifestes? Depuis quel lieu (conceptuel, géographique, politique) pourraient-elles devenir tangibles ?
Walid Raad ne répond pas à ces questions, il les pose à travers son œuvre. Au lieu de produire ou reproduire des certitudes, il problématise ce qui pourrait être considéré comme des données authentiques, des faits incontestables ou des approches théoriques avérées. Le spectateur est appelé à regarder de près, à interroger ce qu’il voit et à trouver une position critique. La question n’est pas de savoir si les récits racontés à travers le projet de l’Atlas Group sont fictionnels ou documentaires : le réel même est mis en inspection par la fiction qui en fait partie.
Fig. 5. Rome, 1959, photographie attribuée au Dr. Fadl Fakhouri, une image de la série photographique Civilizationally, we do not dig holes to bury ourselves du dossier Fakhouri, Atlas Group59
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Notes
1 Jacques Rancière, « Les Paradoxes de l’art politique », in Le Spectateur émancipé, Paris, La Fabrique éditions, 2008, p. 72.
2 Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », in Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 431.
3 The Atlas Group and Walid Raad, Volume 1: The Truth Will Be Known When The Last Witness Is Dead. Documents from the Fakhouri File in The Atlas Group Archive, Verlag der Buchhandlung Walther König, 2004, p. 9.
4 Ces performances sont des discours proposés par Walid Raad sous forme de présentations PowerPoint. Il y expose et décrit le projet. De plus, des personnes initiées sont placées dans le public pour poser des questions prédéfinies et souvent décalées.
5 Walid Raad dans une interview avec Alain Gilbert in « Walid Raad », Bomb, Fall 2002, p. 40, traduit de l’anglais par l’auteure.
6 Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Paris, Flammarion, 1994, p. 247.
7 Michel Foucault, « Le Philosophe masqué », interview avec Christian Delacampagne, in Le Monde, 6 avril 1980 (réédité dans Dits et écrits IV, Paris, Gallimard, 1994, p. 104-110).
8 En anglais, le mot archive peut signifier soit un document mis en archive, soit le lieu où sont hébergées des archives. L’archive de l’Atlas Group désigne donc aussi le lieu. Walid Raad utilise cette double dénotation dans son œuvre. Pour éviter des confusions, nous utilisons ici la désignation exacte en français et traduisons par « centre d’archives » quand ce terme est plus adéquat.
9 Walid Raad et l’Atlas Group, op. cit., en exergue de l’article.
10 Walid Raad dans un interview avec Alain Gilbert, op.cit., p. 40, traduit de l’anglais par l’auteure.
11 Ibid.
12 Denis Gielen, Atlas de l’art contemporain à l’usage de tous, Musée des Arts Contemporains de la communauté française de Belgique au Grand-Harnu, 2007, p. 94.
13 « les animaux se divisent en a) appartenant à l'Empereur, b) embaumés, c) apprivoisés, d) cochons de lait, e) sirènes, f) fabuleux, g) chiens en liberté, h) inclus dans la présente classification, i) qui s'agitent comme des fous, j) innombrables, k) dessinés avec un très fin pinceau de poils de chameau, l) et cœtera, m) qui viennent de casser la cruche, n) qui de loin semblent des mouches. », Jorge Luis Borges, La Langue analytique de John Wilkins, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1993, vol. 1, p. 749.
14 Michel Foucault, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 8.
15 Ibid., p. 12-13.
16 Trace et archive, image et art, collège iconique, Institut National de l’Audiovisuel (INA) , 25 juin 2002, téléchargeable sur le site de l’INA : http://www.ina-entreprise.com/sites/ina/medias/upload/actes-et-paroles/colleges/2002/25-06-02_derrida.pdf, consulté le 5 septembre 2009.
17 Cette réappropriation d’un pouvoir politique par la mise en place d’un centre d’archives se trouve aussi dans l’instauration de la « Fondation Arabe pour l’Image », dont Walid Raad est un des membres. Il s’agit d’une collection d’anciennes photographies prises dans un contexte arabe (le plus souvent par des photographes arabes). L’existence de cet assemblage important témoigne de l’existence d’une histoire de la photographie arabe alors que dans des ouvrages sur l’histoire de la photographie, celle-ci est le plus souvent ignorée (ou bien réduite à quelques exemples photographiques des orientalistes de l’époque). Voir leur site Internet http://www.fai.org.lb/CurrentSite/index.htm, consulté le 10 septembre 2009.
18 Georges Corm, Le Liban contemporain, Paris, Editions La Découverte, 2003, p. 59.
19 Voir par exemple, Ahmad Beydoun, Identité confessionnelle et temps social chez les historiens libanais contemporains, Publications de l’Université Libanaise, Beyrouth, 1984, ainsi que certaines analyses dans Ahmad Beydoun, Le Liban. Itinéraires dans une guerre incivile, Ed. Karthala-CERMOC, 1993.
20 Joseph Bahout, « Du pacte de 1943 à l’Accord de Taef. La réconciliation nationale en question au Liban », in Guerres civiles. Économies de la violence, dimensions de la civilité, Jean Hannoyer (coord.), Ed. Karthala et Cermoc, 1999, p. 311.
21 Loi d'amnistie générale n°84/91, promulguée le 26 août 1991 par le gouvernement libanais.
22 Aida Kanafani-Zahar, « Ni mémoire dite ni présent rasséréné: le vivre-ensemble à l’épreuve de la guerre », in Liban: espaces partagés et pratiques de rencontre, Franck Mermier (dir.), Institut français du Proche Orient, 2008, p. 30.
23 Voir par exemple Jalal Toufic, « Ruines » in (Vampires): an Uneasy Essay on the Undead in Film, The Post-Apollo Press, 2003, p. 67.
24 Deux artistes contemporains libanais qui ont des préoccupations similaires. Voir aussi leur site Internet www.hadjithomasjoreige.com, consulté le 5 septembre 2009. Leur film Je veux voir a été présenté par eux-mêmes le 3 février 2009 dans le cadre de l’atelier La part de fiction dans le cinéma documentaire, coordonné par Rémy Besson.
25 Joana Hadjithomas et Khalil Joreige « ...Tel un oasis dans le désert… » in Appel à témoins, Le Quartier, 2004.
26 Le mot « surréaliste » est ici compris dans le sens donné et appliqué par les membres du mouvement du surréalisme et son entourage: « Le surréalisme est envisagé par ses fondateurs non comme une nouvelle école artistique, mais comme un moyen de connaissance, en particulier de continents qui jusqu’ici n’avaient pas été systématiquement explorés: l’inconscient, le merveilleux, le rêve, la folie, les états hallucinatoires, en bref, l’envers du décors logique », écrit Maurice Nadeau in Histoire du surréalisme, Paris, Editions du Seuil, 1964.
27 Sigmund Freud, Sur le rêve, Paris, Gallimard, 1988, pp. 91-92.
28 Ibid, p. 93.
29 Unica Zürn, L’Homme-Jasmin, Paris, Gallimard, 1999.
30 The Atlas Group and Walid Raad, op.cit., p. 9.
31 Ibid.
32 http://www.theatlasgroup.org/data/images/volume-72/Cover.jpg, consulté le 09 septembre 2009.
33 http://www.theatlasgroup.org/data/images/volume-72/Appendix.jpg, consulté le 09 septembre 2009.
34 The Atlas Group et Walid Raad, op.cit., p. 15.
35 Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves, Presses Universitaires de France, 1967, surtout les chapitres V, VI et VII.
36 Michel Foucault, Les Mots et les choses, op. cit.
37 http://www.theatlasgroup.org/data/images/volume-72/plate145.jpg, consulté le 9 septembre 2009.
38 On pourrait aussi indiquer la référence à l’image du « bloc magique » évoqué par Freud pour expliquer son modèle de la psyché. Cf. Sigmund Freud, Note sur le « bloc magique », in Œuvres complètes, XVII, PUF, 1992.
39 The Atlas Group and Walid Raad, op.cit., p. 9.
40 http://www.theatlasgroup.org/data/images/volume-72/plate136.jpg, consulté le 9 septembre 2009
41 Expression de Michel de Certeau, L’Invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.
42 The Atlas Group and Walid Raad, op. cit., p. 59.
43 Henri Cartier-Bresson « L’instant décisif » in Images à la sauvette, Verve, 1952.
44 Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Editions de l’Etoile, Gallimard, 1980, p. 120.
45 Charles S. Pierce, « Théorie des signes: la sémiologie », in Ecrits sur le signe,Paris, Le Seuil, 1978, p. 144.
46 Entretien avec l’auteure, le 5 juin 2009 à Paris.
47 Un regard plus développé sur ces commentaires serait sans doute enrichissant.
48 Eadweard Muybridge, Animal locomotion, publié pour la première fois en 1887.
49 Walter Benjamin, « Petite histoire de la photographie », in Œuvres II, Paris, Gallimard, 2000, p. 300.
50 Walid Raad in David O’Brian & David Prochaska, Beyond East and West. Seven transnational artists, University of Washington Press, 2004, p. 54, traduit par l’auteure.
51 Pierre Fournié, La Résidence des Pins Beyrouth, ACR Edition Courbevoie, 1999, p. 13-17.
52 Cf. Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Bruxelles, Complexe, 2003, p. 583.
53 Petit Futé Liban, Petit Futé, 2008, p. 132-133.
54 Ibid., p. 133.
55 Georges Didi-Huberman, L’Image survivante. L’histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Editions de Minuit, 2002, p. 295.
56 Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne, Akademie Verlag, 2000.
57 Georges Didi-Huberman, L’Image survivante. L’histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Editions de Minuit, 2002, p. 460.
58 Walter Benjamin, Paris, Capitale du XIX siècle. Le livre des passages, Ed. du Cerf, 1989.
59 http://www.theatlasgroup.org/data/images/photographs/A944.jpg, consulté le 9 septembre 2009.
Stefanie Baumann, « Archiver ce qui aurait pu avoir lieu », Conserveries mémorielles [En ligne], #6 | 2009, mis en ligne le 26 décembre 2009, Consulté le 18 novembre 2010. URL : http://cm.revues.org/381
Stefanie Baumann, « Archiver ce qui aurait pu avoir lieu », Conserveries mémorielles [En ligne], #6 | 2009, mis en ligne le 26 décembre 2009, Consulté le 18 novembre 2010. URL : http://cm.revues.org/381