Introduction
« Il n'y a pas d'avenir en attente... » (1)
« Comme dans la société les idées sont des intérêts, et que les intérêts sont des hommes, il est difficile que des hommes qui ont régné par les intérêts et leurs idées consentent à s’éclipser et à disparaître. Il faut les vaincre… »
Pierre Joseph Proudhon, De la création de l’ordre dans l’humanité, 1843.
« L’homme qui a organisé sa vie, son travail et qui s’est organisé lui-même est un véritable artiste. »
Alexandre Rodchenko, Slogans, 1923.
« …la musique expérimentale, ou n’importe quel autre art expérimental de notre temps, peut être une bonne introduction à l’art de bien vivre ; et après cette introduction, l’art peut être laissé de côté pour le plat de résistance. »
Allan Kaprow, Un art qui ne peut pas être de l’art, 1986.
« Comme dans la société les idées sont des intérêts, et que les intérêts sont des hommes, il est difficile que des hommes qui ont régné par les intérêts et leurs idées consentent à s’éclipser et à disparaître. Il faut les vaincre… »
Pierre Joseph Proudhon, De la création de l’ordre dans l’humanité, 1843.
« L’homme qui a organisé sa vie, son travail et qui s’est organisé lui-même est un véritable artiste. »
Alexandre Rodchenko, Slogans, 1923.
« …la musique expérimentale, ou n’importe quel autre art expérimental de notre temps, peut être une bonne introduction à l’art de bien vivre ; et après cette introduction, l’art peut être laissé de côté pour le plat de résistance. »
Allan Kaprow, Un art qui ne peut pas être de l’art, 1986.
Photo : Café Le Bougnat
« Nous »
Pourquoi se satisfaire d’un « je » ignorant mais croyant tout savoir quand il ne tient qu’à « nous » d’engendrer de multiples formes d’agrégation et de tenter de substituer ainsi, à la figure incontournable mais inepte de l’artiste solitaire, celle, autrement plus imprévisible mais agissante aujourd’hui, d’un rassemblement ? Pourquoi pas « nous » au lieu de « je » ? C’est pour éprouver un « nous » qu’un projet de réunions régulières telles qu’envisagées par l’Amicale de la Biennale de Paris est né. L’Amicale de la Biennale de Paris — soit la constitution d’une table de travail théorique réservée aux participants de la Biennale de Paris — est donc un passage à l’acte accompli premièrement pour déjouer la nature individualiste de l’artiste. Conçue pour se rencontrer et pour se questionner (poser des questions, faire un détour par les questions des autres, mais également oser mettre publiquement en question ses propres positions), l’Amicale est le démarrage d’un processus collectif (non fusionnel, il ne s’agit pas d’un groupe) fondé sur la mise en commun et la libre contribution. Il me semble qu’on y discute principalement (et de manière forcément subjective) des conditions qui, aujourd’hui, ici et maintenant, rendent possible ou impossible l’émergence de pensées libres.
Régles
Le fonctionnement de l’Amicale de la Biennale de Paris est rudimentaire. C’est celui d’un club constitué sous la forme d’un rendez-vous ponctuel consacré au traitement d’un sujet (le fait de blâmer le caractère électif et institutionnalisant de la chose devrait, dans ce contexte où tout doit être mis un jour ou l’autre à l’épreuve, fournir au minimum matière à une prochaine Amicale !). Ce sujet n’est pas prévu de longue date : énoncé pour prolonger ou au contraire pour contrecarrer les perspectives ouvertes par la nature du sujet précédent, il se déclare la plupart du temps de manière spontanée au coeur même du déroulement d’une Amicale et est toujours motivé par un des participants. Ghislain Mollet-Viéville et moi-même avons eu la charge des deux premiers sujets (respectivement « L’art doit-il être artistique ? » et « De quoi l’art doit-il s’affranchir ? »). Alexandre Gurita, les « amicaliens » présents le 16 juin 2006 et Antoine Moreau ont pris le relais (respectivement « Penser l’art ou être pensé par l’art », « Légitime/Illégitime » et « Exister, c’est être perçu. »).
Les personnes ne pouvant assister aux rendez-vous ont la possibilité de nous confier un communiqué de quelques lignes jouant le rôle d’une contribution. Les vingt premières minutes de la séance sont dédiées à la lecture de ces appréciations. Enfin, des notes, prises tout au long de chaque rendez-vous, sont compilées (par Claire Fouquet) de façon chronologique et lapidaire dans un compte rendu dont le volume global est borné à deux pages. Ce « CR » (N°1, N°2, etc.), délivré aux partenaires de la Biennale de Paris quelques jours après le rendez-vous, peut être remanié (localement, chacun s’ingéniant à parfaire son propos) par les personnes présentes lors de la rencontre (finalisation).
Par-delà le bien et le toc
Quand un avenir dans l’histoire de l’art semble nous adresser un sourire approbateur, il est temps d’utiliser notre talent à mettre de l’ombre au tableau. En matière de création, les moments de retrait et d’inquiétude — « ce qui nous inquiète nous fait penser » — sont supérieurement productifs : ils jouent le rôle d’un passage nécessaire par le négatif. Ils nous renforcent. Ils nous convient à démontrer qu’en art ou dans la vie, tenter de produire de la pensée émancipée doit toujours être notre seule et unique préoccupation. Refaire le monde en ignorant le point de vue édifiant de la critique d’opinion (Alain Badiou), outrager les lieux communs et réagir contre toutes formes d’uniformisation, ou encore négliger, pour un temps, les limites strictes imposées par l’auteur… voici manifestement quelques formes d’activités intellectuelles dont tous ceux qui souhaitent que leur vie les surprenne devraient au minimum faire un plein temps. Seuls des projets de rencontres (pour nous l’Amicale en fait bien entendu partie) rendent ces actions possibles : affranchis de ce qui fait d’ordinaire pression sur la pensée créatrice (carrière, objets d’art mercantiles associés à un discours consensuel), ils nous offrent des occasions entièrement « gratuites » de nous lier d’amitié ou de nous confronter, agrandissent considérablement la compréhension que nous avons de la situation dans laquelle nous évoluons et garantissent pour cette raison de mettre régulièrement à l’épreuve ce que nous souhaitons faire, ne pas faire ou « méfaire ». (2)
Opérer
C’est le voeu d’en découdre avec la réalité qui distingue la majorité des pratiques (revendiquées ou non comme artistiques) figurant au programme de la Biennale de Paris (3) de celles qu’on trouve classiquement dans d’autres évènements du même acabit. Ma thèse (au lecteur de la juger juste ou pas, on pourra me reprocher avec raison de tenter ici d’échafauder une abstraction qui a la prétention d’être permanente et objective en puisant matière au coeur d’un phénomène (4) dont la nature est en fait subjective, elliptique, relative) consiste à penser que nombre de démarches tenant un rôle dans la Biennale de Paris représentent explicitement, de façon tantôt instinctive et tantôt réfléchie, une tendance (5) qui, remplaçant un art de présentation par un art qui opère dans la réalité contribuera sans aucun doute à rendre caduque l’exposer et toutes les manières de faire qui lui sont associées. Opérer est une nouvelle éventualité, une véritable alternative qui offre aujourd’hui à tout acteur du champ de l’art la possibilité de changer son fusil d’épaule.L’art de présentation, c’était du « Grand Art » (6) : transformons-le en « un bel art de vivre » nous dit si justement Ghislain Mollet-Viéville. Opérer : ce sont toutes ces façons de faire éthérées, subreptices, braconnières (Michel de Certeau) qui ne nécessitent pas d’être présentées pour exister — elles « arrivent » dans des interstices, la plupart du temps invisiblement — et qui, parce qu’elles promettent l’avènement d’un dialogue frontal et inédit avec notre réalité, se fixent pour but rien moins que de bouleverser l’appréhension que nous avons de notre vie. Opérer ouvre une faille. Cette faille est une veine qui, pas encore admise ou agréée, n’est à ce moment précis encore soumise à aucun diktat ni à aucune convention (7). C’est aussi une tranchée : dans celle-ci, inventer revient presque toujours à conspirer (contre la routine, contre les valeurs en place). Et c’est un tempérament (qui sera toujours fragile, ses maître mots sont vigueur, audace, besoin de changement) qui met notre bon vouloir en contact avec des terrains et des possibilités d’actions illimités. Nous savons depuis longtemps que des énoncés intellectuels sont susceptibles de faire effet dans le réel. Mais nous sommes aujourd’hui incontestablement sur le point de faire un nouveau pas en avant si nous entreprenons de faire éclore, de rendre viables et de faire mûrir des pratiques (considérées ou non comme artistiques, on a compris que ces questions de statut dans un tel cadre deviennent obsolètes) qui souhaitent transiger avec le réel (8). Opérer pourrait sembler être à certains une supposition ridicule (de plus) si nous n’avions déjà des preuves que cet art (ou ce peu d’art ou ce pas d’art etc.), dont notre réalité quotidienne est le matériau, vit déjà. Tous ceux à qui il a été donné de faire le constat (enthousiaste) de cette existence peuvent dès à présent se joindre à nous (9) : il revient spécialement à eux — à la Biennale de Paris et à tous les regroupements émancipés (parce qu’en grande partie soustraits à la pression du marché et à son idéologie), désintéressés et concernés par des formes d’expérimentations véritables (dont on ne saurait garantir les résultats) — de tâcher de faire s’épanouir ces pratiques neuves et de les ancrer.
Pourquoi se satisfaire d’un « je » ignorant mais croyant tout savoir quand il ne tient qu’à « nous » d’engendrer de multiples formes d’agrégation et de tenter de substituer ainsi, à la figure incontournable mais inepte de l’artiste solitaire, celle, autrement plus imprévisible mais agissante aujourd’hui, d’un rassemblement ? Pourquoi pas « nous » au lieu de « je » ? C’est pour éprouver un « nous » qu’un projet de réunions régulières telles qu’envisagées par l’Amicale de la Biennale de Paris est né. L’Amicale de la Biennale de Paris — soit la constitution d’une table de travail théorique réservée aux participants de la Biennale de Paris — est donc un passage à l’acte accompli premièrement pour déjouer la nature individualiste de l’artiste. Conçue pour se rencontrer et pour se questionner (poser des questions, faire un détour par les questions des autres, mais également oser mettre publiquement en question ses propres positions), l’Amicale est le démarrage d’un processus collectif (non fusionnel, il ne s’agit pas d’un groupe) fondé sur la mise en commun et la libre contribution. Il me semble qu’on y discute principalement (et de manière forcément subjective) des conditions qui, aujourd’hui, ici et maintenant, rendent possible ou impossible l’émergence de pensées libres.
Régles
Le fonctionnement de l’Amicale de la Biennale de Paris est rudimentaire. C’est celui d’un club constitué sous la forme d’un rendez-vous ponctuel consacré au traitement d’un sujet (le fait de blâmer le caractère électif et institutionnalisant de la chose devrait, dans ce contexte où tout doit être mis un jour ou l’autre à l’épreuve, fournir au minimum matière à une prochaine Amicale !). Ce sujet n’est pas prévu de longue date : énoncé pour prolonger ou au contraire pour contrecarrer les perspectives ouvertes par la nature du sujet précédent, il se déclare la plupart du temps de manière spontanée au coeur même du déroulement d’une Amicale et est toujours motivé par un des participants. Ghislain Mollet-Viéville et moi-même avons eu la charge des deux premiers sujets (respectivement « L’art doit-il être artistique ? » et « De quoi l’art doit-il s’affranchir ? »). Alexandre Gurita, les « amicaliens » présents le 16 juin 2006 et Antoine Moreau ont pris le relais (respectivement « Penser l’art ou être pensé par l’art », « Légitime/Illégitime » et « Exister, c’est être perçu. »).
Les personnes ne pouvant assister aux rendez-vous ont la possibilité de nous confier un communiqué de quelques lignes jouant le rôle d’une contribution. Les vingt premières minutes de la séance sont dédiées à la lecture de ces appréciations. Enfin, des notes, prises tout au long de chaque rendez-vous, sont compilées (par Claire Fouquet) de façon chronologique et lapidaire dans un compte rendu dont le volume global est borné à deux pages. Ce « CR » (N°1, N°2, etc.), délivré aux partenaires de la Biennale de Paris quelques jours après le rendez-vous, peut être remanié (localement, chacun s’ingéniant à parfaire son propos) par les personnes présentes lors de la rencontre (finalisation).
Par-delà le bien et le toc
Quand un avenir dans l’histoire de l’art semble nous adresser un sourire approbateur, il est temps d’utiliser notre talent à mettre de l’ombre au tableau. En matière de création, les moments de retrait et d’inquiétude — « ce qui nous inquiète nous fait penser » — sont supérieurement productifs : ils jouent le rôle d’un passage nécessaire par le négatif. Ils nous renforcent. Ils nous convient à démontrer qu’en art ou dans la vie, tenter de produire de la pensée émancipée doit toujours être notre seule et unique préoccupation. Refaire le monde en ignorant le point de vue édifiant de la critique d’opinion (Alain Badiou), outrager les lieux communs et réagir contre toutes formes d’uniformisation, ou encore négliger, pour un temps, les limites strictes imposées par l’auteur… voici manifestement quelques formes d’activités intellectuelles dont tous ceux qui souhaitent que leur vie les surprenne devraient au minimum faire un plein temps. Seuls des projets de rencontres (pour nous l’Amicale en fait bien entendu partie) rendent ces actions possibles : affranchis de ce qui fait d’ordinaire pression sur la pensée créatrice (carrière, objets d’art mercantiles associés à un discours consensuel), ils nous offrent des occasions entièrement « gratuites » de nous lier d’amitié ou de nous confronter, agrandissent considérablement la compréhension que nous avons de la situation dans laquelle nous évoluons et garantissent pour cette raison de mettre régulièrement à l’épreuve ce que nous souhaitons faire, ne pas faire ou « méfaire ». (2)
Opérer
C’est le voeu d’en découdre avec la réalité qui distingue la majorité des pratiques (revendiquées ou non comme artistiques) figurant au programme de la Biennale de Paris (3) de celles qu’on trouve classiquement dans d’autres évènements du même acabit. Ma thèse (au lecteur de la juger juste ou pas, on pourra me reprocher avec raison de tenter ici d’échafauder une abstraction qui a la prétention d’être permanente et objective en puisant matière au coeur d’un phénomène (4) dont la nature est en fait subjective, elliptique, relative) consiste à penser que nombre de démarches tenant un rôle dans la Biennale de Paris représentent explicitement, de façon tantôt instinctive et tantôt réfléchie, une tendance (5) qui, remplaçant un art de présentation par un art qui opère dans la réalité contribuera sans aucun doute à rendre caduque l’exposer et toutes les manières de faire qui lui sont associées. Opérer est une nouvelle éventualité, une véritable alternative qui offre aujourd’hui à tout acteur du champ de l’art la possibilité de changer son fusil d’épaule.L’art de présentation, c’était du « Grand Art » (6) : transformons-le en « un bel art de vivre » nous dit si justement Ghislain Mollet-Viéville. Opérer : ce sont toutes ces façons de faire éthérées, subreptices, braconnières (Michel de Certeau) qui ne nécessitent pas d’être présentées pour exister — elles « arrivent » dans des interstices, la plupart du temps invisiblement — et qui, parce qu’elles promettent l’avènement d’un dialogue frontal et inédit avec notre réalité, se fixent pour but rien moins que de bouleverser l’appréhension que nous avons de notre vie. Opérer ouvre une faille. Cette faille est une veine qui, pas encore admise ou agréée, n’est à ce moment précis encore soumise à aucun diktat ni à aucune convention (7). C’est aussi une tranchée : dans celle-ci, inventer revient presque toujours à conspirer (contre la routine, contre les valeurs en place). Et c’est un tempérament (qui sera toujours fragile, ses maître mots sont vigueur, audace, besoin de changement) qui met notre bon vouloir en contact avec des terrains et des possibilités d’actions illimités. Nous savons depuis longtemps que des énoncés intellectuels sont susceptibles de faire effet dans le réel. Mais nous sommes aujourd’hui incontestablement sur le point de faire un nouveau pas en avant si nous entreprenons de faire éclore, de rendre viables et de faire mûrir des pratiques (considérées ou non comme artistiques, on a compris que ces questions de statut dans un tel cadre deviennent obsolètes) qui souhaitent transiger avec le réel (8). Opérer pourrait sembler être à certains une supposition ridicule (de plus) si nous n’avions déjà des preuves que cet art (ou ce peu d’art ou ce pas d’art etc.), dont notre réalité quotidienne est le matériau, vit déjà. Tous ceux à qui il a été donné de faire le constat (enthousiaste) de cette existence peuvent dès à présent se joindre à nous (9) : il revient spécialement à eux — à la Biennale de Paris et à tous les regroupements émancipés (parce qu’en grande partie soustraits à la pression du marché et à son idéologie), désintéressés et concernés par des formes d’expérimentations véritables (dont on ne saurait garantir les résultats) — de tâcher de faire s’épanouir ces pratiques neuves et de les ancrer.
Jean-Baptiste Farkas
Notes
1. …qui bouscule le présent. « L’avenir est une modification du présent. » (Jacques Rancière)
2. Car en matière de création, c’est bien connu, un appétit solide pour la liberté se repaît tout autant d’entorses et de méfaits que d’améliorations !
3. Un acte politique véritable — dans le sens que lui accorde Jacques Rancière quand il affirme que le propre d’un tel acte est de venir perturber de manière inattendue « un réel qu’on nous dit donné une fois pour toutes » — fonde et oriente plus ou moins directement tout ce qui se trame dans la Biennale de Paris. Un acte artistique-transgressif (s’il vous plaît !) dont la conséquence immédiate est le fait qu’il rende possible qu’une Biennale (son contenu, son fonctionnement, son image) soit entièrement confiée à la responsabilité d’artistes ou d’auteurs indépendants. Ce qui est rare.
4. Ce phénomène ne s’est effectivement pas constitué « naturellement ». Il est le fait du regard d’Alexandre Gurita.
5. Il me semble indispensable ici d’ajouter que chaque personnalité figurant dans la Biennale de Paris est un cas singulier qui pourrait à tous moments contredire ma démonstration par ses actes !
6. Pour en savoir plus sur cette interminable « nuit des morts-vivants » : contact@biennaledeparis.org
7. Faire référence aux « actions artistiques » pour tenter de caractériser Opérer ne me semble pas pertinent. Opérer est réaliste (ou réalité-tiste ou réel-iste ?) : c’est un mode qui s’annule ou se mutile à chaque fois qu’il souhaite résolument être artistique.
8. Si « ça transige » de plus en plus fort avec le réel (au point de s’y dissoudre parfois complètement) est-ce encore de l’art ? Cette question (il est peut-être moins important aujourd’hui de nous la poser) donne évidemment suite aux problématiques « art et vie confondus » chères, comme nous le savons, aux années soixante-dix. Ce qui nous distingue de nos prédécesseurs, c’est que trente années de babioles en plus nous ont donné la rage.
9. M… !, encore un mai 68 ? Savoir si oui ou non une expression artistique agissante devrait/pourrait avoir un rôle utile à jouer sur la scène du réel — au même titre qu’un acte politique — est bien sûr une des questions de fond à laquelle tout créateur qui se respecte devrait uniquement répondre par ses actes. Chacun y mettra son grain de sel et cherchera éventuellement à se mettre au service d’une cause. Mais Opérer ne devrait, selon moi, jamais être « utile » au point de prétendre pouvoir remplacer, dans l’espace social, un acte politique véritable.
Texte publié sur le site de L'AMICALE DE LA BIENNALE DE PARIS
Notes
1. …qui bouscule le présent. « L’avenir est une modification du présent. » (Jacques Rancière)
2. Car en matière de création, c’est bien connu, un appétit solide pour la liberté se repaît tout autant d’entorses et de méfaits que d’améliorations !
3. Un acte politique véritable — dans le sens que lui accorde Jacques Rancière quand il affirme que le propre d’un tel acte est de venir perturber de manière inattendue « un réel qu’on nous dit donné une fois pour toutes » — fonde et oriente plus ou moins directement tout ce qui se trame dans la Biennale de Paris. Un acte artistique-transgressif (s’il vous plaît !) dont la conséquence immédiate est le fait qu’il rende possible qu’une Biennale (son contenu, son fonctionnement, son image) soit entièrement confiée à la responsabilité d’artistes ou d’auteurs indépendants. Ce qui est rare.
4. Ce phénomène ne s’est effectivement pas constitué « naturellement ». Il est le fait du regard d’Alexandre Gurita.
5. Il me semble indispensable ici d’ajouter que chaque personnalité figurant dans la Biennale de Paris est un cas singulier qui pourrait à tous moments contredire ma démonstration par ses actes !
6. Pour en savoir plus sur cette interminable « nuit des morts-vivants » : contact@biennaledeparis.org
7. Faire référence aux « actions artistiques » pour tenter de caractériser Opérer ne me semble pas pertinent. Opérer est réaliste (ou réalité-tiste ou réel-iste ?) : c’est un mode qui s’annule ou se mutile à chaque fois qu’il souhaite résolument être artistique.
8. Si « ça transige » de plus en plus fort avec le réel (au point de s’y dissoudre parfois complètement) est-ce encore de l’art ? Cette question (il est peut-être moins important aujourd’hui de nous la poser) donne évidemment suite aux problématiques « art et vie confondus » chères, comme nous le savons, aux années soixante-dix. Ce qui nous distingue de nos prédécesseurs, c’est que trente années de babioles en plus nous ont donné la rage.
9. M… !, encore un mai 68 ? Savoir si oui ou non une expression artistique agissante devrait/pourrait avoir un rôle utile à jouer sur la scène du réel — au même titre qu’un acte politique — est bien sûr une des questions de fond à laquelle tout créateur qui se respecte devrait uniquement répondre par ses actes. Chacun y mettra son grain de sel et cherchera éventuellement à se mettre au service d’une cause. Mais Opérer ne devrait, selon moi, jamais être « utile » au point de prétendre pouvoir remplacer, dans l’espace social, un acte politique véritable.
Texte publié sur le site de L'AMICALE DE LA BIENNALE DE PARIS